ATD invite à une réflexion sur la performance touristique
Publié par Acteurs du Tourisme Durable
L’association réagit suite à un article sur la place de la France comme 1ère destination mondiale
La France pourrait perdre son titre de 1ère destination touristique mondiale, si l’on en croit un récent article de l’Echo Touristique…
C’est grave docteur ?
En réalité, la question n’est pas de savoir si cela est grave ou pas, ou bien de savoir si la France va récupérer cette place et comment…
Le vrai sujet est plutôt de questionner cette compétition à être la 1ère destination touristique mondiale et surtout sur la base de quels indicateurs.
Donc 1ère destination… oui, mais de quoi ?
Aujourd’hui les destinations se comparent entre elles sur la base du nombre et du volume de dépenses des visiteurs étrangers qui passent la frontière. Un classement dont nous dénoncions déjà en 2020 l’absurdité dans notre « Manifeste pour un plan de transformation du tourisme ».
Car la course au nombre de visiteurs internationaux est non seulement absurde, mais dommageable.
- Tout d’abord parce qu’on exclut de ce comptage les touristes domestiques : ceux qui visitent leur propre pays. Pourtant, il s’agit bien là de touristes de proximité, ceux-là mêmes qui contribuent à faire baisser le bilan carbone d’une destination. En 2021 dans son BEGES du tourisme en France, l’ADEME rappelait en effet qu’un visiteur venant de l’étranger émet 4x plus de GES par nuitée qu’un visiteur venant de France métropolitaine, notamment en raison des émissions induites par le transport.
- Mais aussi parce que s’en tenir au nombre de visiteurs et à leurs dépenses (dont on ne mesure pas dans quelles proportions elles participent à l’économie du territoire visité), constitue une vision étriquée très (trop) partielle et non qualitative du tourisme, ne permettant pas d’apprécier l’engagement durable de la destination ni des visiteurs.
Et si l’on se concentrait sur une performance touristique qui résiderait plutôt dans :
- Le nombre de nuitées, pour allonger les durées de séjour et ainsi générer plus de retombées économiques sur les territoires, voire aussi des emplois plus pérennes… Une durée de séjour allongée c’est aussi favoriser l’immersion, la rencontre et la découverte de lieux autrement qu’à travers un selfie réalisé sur un « hot-spot incontournable »
- Le nombre de touristes domestiques, qui constituent un tourisme local moins émetteur de GES (soit dit en passant, en comptant ces touristes domestiques + les visiteurs étrangers, cela fait bien longtemps que la France aurait dépassé l’objectif des 100 millions de visiteurs fixé il y a de nombreuses années par le Ministère des Affaires étrangères…)
- Le taux de départ en vacances de nos concitoyens, dont 40% ne partent pas en vacances
- La baisse de consommation des ressources naturelles
- La sobriété énergétique des établissements touristiques et culturels
- La part de l’offre touristique accessible aux personnes en situation de handicap
- La satisfaction des visiteurs et l’acceptabilité du tourisme par les habitants
- …
Notre Guide méthodologique « Mesurer autrement sa performance touristique », publié en 2021, avait déjà pour objectif d’encourager les territoires à s’extraire de simples données quantitatives, pour intégrer des indicateurs qui mesurent les impacts environnementaux et sociaux du tourisme.
Nous sommes ravis aujourd’hui de travailler sur ce sujet à l’échelle de la destination France, en contribuant aux côtés d’Atout France à l’élaboration d’un tableau de bord du tourisme durable.
L’enjeu est de taille : piloter la performance touristique au regard de nouveaux indicateurs et faire de la France, non pas la 1ère destination touristique mondiale, mais une destination pionnière, voire exemplaire, en matière de tourisme durable.