Quel avenir pour les stations de montagne ?

jeudi 22 juin 2017 Actus du réseau France Énergie - Construction
Aménagement - Urbanisme
Territoires - Destinations
HébergementTerritoires et destinationsActivités et loisirs
Quel avenir pour les stations de montagne ?
Twitter Chat #TDTC « Tourisme Durable & transition des Stations de Montagne »

Le 20 Juin dernier, le twitter Chat #TDTC a pris pour thème la question sensible de la transition des stations de montagne. Pour l’évoquer, ATD a fait appel à une spécialiste renommée dans ce domaine, Emmanuelle George, Directrice de l’unité de recherche Développement des Territoires Montagnards à l’Irstea. En cinq questions, il nous a paru important de comprendre si un changement des modes de gestion des stations était inévitable, et en quoi le tourisme durable pouvait y contribuer ?

 
Selon vous, quelles sont les principales menaces qui pèsent aujourd’hui sur les stations de montagne ?

Depuis quelques années les stations de montagne font face à des évolutions qui remettent en question leurs modes de gestion et de fonctionnement. Tout d’abord une évolution de la clientèle avec de nouveaux modes de consommation qu’il faut prendre en compte. Si la durée des séjours reste relativement stable (6 jours), elle n’est plus seulement réservée aux vacances d’hiver mais également au Printemps. Et si le ski reste l’activité principale pour beaucoup, d’autres loisirs émergent fortement comme les randonnées à pieds ou en raquettes, la piscine, ou les Spa. Une part non négligeable des vacanciers viennent dorénavant en station pour se ressourcer en pleine nature, sans skier. Le « style » de la station est devenu également un critère important dans le choix des destinations de montagne, et les « petits villages » et « stations intermédiaires » ont maintenant la préférence sur les grands ensembles.

Autre challenge important, les stations doivent mieux s’intégrer dans l’environnement, que ce soit dans leur fonctionnement, que dans leur développement. Une part importante du bâti et des équipements doit être renouvelé dans un souci d’économie d’énergie, d’intégration dans le paysage, et de diversification des activités.

La menace principale reste bien sûr le changement climatique qui se traduit par des périodes d’enneigements de plus en plus courtes pendant la saison d’hiver. L’enneigement étant en baisse continu sur les massifs, cette tendance de fond est néanmoins masquée par des variations d’une année sur l’autre. Cette raréfaction de l’or blanc pèse plus que jamais sur les stations de basse et moyenne montagne car même la production de neige de culture ne sera plus une solution face à la montée des températures, à l’horizon de 2050.

 

En quoi la transition des stations est-elle inévitable ? Comment peut-on la réussir ?

Toutes les stations ne sont pas concernées de la même manière par la transition, ce qui passe par une étude au cas par cas. Cela nécessite une enquête de terrain approfondie afin de définir les facteurs d’évolution, de vulnérabilité, et les capacités d’adaptation de chaque station.

Pour mieux les cerner, un Observatoire des stations de sports d’hiver a été lancé. En compilant des données variées, il permet de mieux décrire et de comparer ces stations. Avec un objectif : donner des pistes aux politiques publiques pour orienter le développement de ces hauts-lieux du tourisme de montagne.

La réussite d’une transition passe par la définition d’un cadre d’évolution précis, en identifiant les modèles de développement possible. Et bien sûr par une concertation à tous les niveaux, et avec tous les acteurs.

En ce qui concerne l’Etat, la réussite de la transition passe par la réhabilitation des stations de montagne pour répondre aux enjeux de la transition écologique.

 

En quoi le tourisme durable et ses pratiques peuvent-ils encourager la transition des stations de montagne ?

Le tourisme durable peut favoriser l’évolution des stations de montagne vers un modèle de développement plus centré sur un tourisme « doux », basé sur la valorisation du patrimoine local, architectural, et environnemental. Il invite à la redécouverte des territoires par des activités qui ne sont plus basées sur le « Tout ski » et qui s’orientent vers une consommation plus responsable, et bien entendu qui peuvent favoriser l’économie locale hors station, en faisant vivre les artisans et producteurs de la région.

En ce qui concerne le patrimoine, la station des Arcs qui a obtenu le label de patrimoine du 20ème siècle, organise des visites pour faire découvrir son architecture et ses résidences datant des années 1970, et cela sur ses trois stations situées à des altitudes différentes. Des promenades sont également organisées pour admirer la vue sur la vallée ou le Mont-Blanc.

La croissance des activités de nature et du nombre de ses pratiquants ne peuvent qu’encourager la transition des stations vers un autre modèle plus respectueux de l’environnement. De même le développement des transports en commun pour accéder aux stations, et la mise à disposition de deux roues peuvent améliorer la qualité du séjour, et limiter l’impact des GES.

Le développement de ces activités « durable » qui peuvent se pratiquer hors-saison ont l’avantage d’étaler la fréquentation touristique dans le temps et d’éviter les pics de concentration dans un espace restreint, comme ceux du mois de février. Cela permet également de maintenir des commerces, et une vie locale toute l’année.

 

Connaissez-vous des exemples de stations en France ou ailleurs qui ont engendré une vraie transition de modèle ?

Il n’y a pas de station idéale, et par là même de modèle général de transition. L’Irstea étudie les stations des Alpes au cas par cas pour mieux les caractériser, et penser leur développement. A cet effet il existe un atlas des stations, le « StationoScope », celui-ci dresse le portrait des stations sous différents angles, comme celui des domaines skiables, de la gouvernance, des dynamiques locales, de l’environnement. Cette multitude de données dresse un portrait de la santé des stations :  bâti, âge des remontées mécaniques, altitude, front de neige, en sont des exemples. Cet outil a été mis à la disposition des acteurs publics et privés sous forme interactive et gratuite, en plus d’être régulièrement actualisée, un module d’analyse territoriale y a été ajouté. Cela permet d’avoir des données fiables pour encourager la concertation vers une transition de modèle.

Des initiatives de transition ont vu le jour, et d’autres sont en cours, dans le domaine des transports pour rejoindre les stations, comme dans le domaine des économies d’énergie. Le bilan carbone d’un séjour de ski nous apprend que 22% des émissions sont dues au chauffage dans les bâtiments. Des solutions innovantes fleurissent dans les stations, comme à Avoriaz qui investit dans une chaufferie centralisée bi-énergie bois/électricité. La station de la Plagne quant à elle s’est dotée d’une chaufferie biomasse.

Dans la construction des futurs bâtiments, les stations sont désormais plus vigilantes aux normes et aux labels respectueux de l’environnement. Bâtiment basse consommation (BBC) comme à la Maison du Tourisme et la garderie des Menuires, ou certifiés HQE (Haute qualité environnementale) comme l’hôtel Altapura à Val Thorens ou le complexe de loisirs de la Bresse.

 

Demain, à quoi ressemblera une station de Montagne nouvelle génération ?

La situation sera certainement contrastée, certaines stations seront toujours fondées sur la pratique du ski, et leur compétitivité maintenue grâce à une situation géographique et climatique favorable, c’est le cas général des stations de haute montagne.

Pour les autres, les stations de basse et moyenne montagne, il faudra réinventer un nouveau modèle économique basé sur la diversité des activités à proposer aux touristes, et sur une dynamique résidentielle plus forte afin de renforcer l’économie locale.

En attendant, le centre Irstea de Grenoble et le cluster Montagne, réunissant des professionnels de l’aménagement en montagne, planchent sur de nouveaux modèles de développement des stations. L’objectif est de proposer de rapprocher les acteurs économiques (État, collectivités, gestionnaires de domaines skiables, entreprises) et les laboratoires de recherche pour inventer une « station intelligente ».

 

En images

<
     
>
Categories Actualités